Fête de l’Ecriture Slave et de la Culture Bulgare
Le 24 mai est la fête de l’écriture slave, de la culture et de l’éducation en Bulgarie.
C’est la fête de l’éveil spirituel, de l’aspiration au perfectionnement à travers la science et la culture.
Cette journée est l’une des fêtes bulgares les plus anciennes.
Elle est étroitement liée à l’œuvre des Saints frères Cyrille et Méthode, créateurs de l’alphabet slave.
Pour l’Eglise orthodoxe bulgare qui les a canonisés, leur fête votive est le 11 mai.
Le Pape Jean-Paul II proclame en 1980 les saints apôtres Cyrille et Méthode patrons de l’Europe.
Nous pouvons trouver de l’information sur l’activité et l’œuvre des deux saints frères dans leurs hagiographies écrites à la fin du 9ème siècle.
De nos jours le 11 mai est célébré en tant que fête religieuse des Saints frères Cyrille et Méthode et le 24 mai s’est pérennisé comme le jour de l’écriture slave, de l’éducation et de la culture bulgares.
Les lettres créées par Cyrille et Méthode, leurs traductions des livres liturgiques, la défense du droit de chaque peuple à glorifier Dieu dans sa propre langue, ont une importance historique qui dépasse la formation et la prospérité de la nation bulgare.
Leur œuvre est humanitaire et démocratique, commune à tous les slaves et au service de la grande idée humaine d’égalité de tous dans le domaine spirituel.
Portraits des Saints frères
Cyrille ou Constantin le philosophe (827-869) et Méthode (815-885), originaires de Thessalonique, en Grèce, sont deux frères, inséparables depuis leur enfance.
Tellement inséparables que leur amitié fraternelle est devenue une vocation commune et qu’ensemble ils ont travaillé au Règne de Dieu, évangélisant les peuples slaves de l’Europe centrale.
Leur œuvre est reconnue si brillante qu’ils ont reçu tous deux le titre de co-patrons de l’Europe avec saint Benoit, attribué par saint Jean Paul II, plus de mille ans après leur mort (1980).
Unis, alors que tout les séparait…
Avant d’entrer en religion, Cyrille – qui s’appelait alors Constantin – et Méthode, étaient deux fonctionnaires de l’Etat, l’aîné dans l’administration provinciale et le cadet dans la diplomatie.
Puis Méthode est entré en religion vers l’âge de 40 ans et lui Cyrille, fin philosophe, a poursuivi sa carrière de diplomate.
Tout semblait dorénavant devoir séparer ces deux frères si unis.
Mais un beau jour, vers 860, l’empereur byzantin Michel III, avec l’appui du pape Hadrien II, convoque le jeune Constantin et lui demande de se rendre en mission chez les Khazars, peuple turc barbare établi au nord de la Mer Noire, pour les christianiser.
Pour cela, Constantin va chercher son frère au monastère du mont Olympe de Bithynie, trop heureux de pouvoir mettre tout son art et son intelligence au service de l’Eglise et de le faire avec lui.
Il entrera d’ailleurs lui-même en religion, neuf ans plus tard, sur son lit de mort, revêtant alors l’habit monastique, comme son frère, sous le nom de Cyrille.
Le génie et l’homme de prière
Les voilà partis sur les routes de l’Europe. Cyrille, le cadet, guide Méthode, l’aîné, qui a décidé de se mettre à son service et de le suivre fidèlement tout au long de son sacerdoce.
Ils rentrent de mission deux ans plus tard après avoir accompli de nombreuses conversions au christianisme.
Renvoyés aussitôt en Moravie pour évangéliser les peuples slaves et créer une Église de rite oriental.
L’empereur a pensé : les deux frères, par leur mère, parlent le dialecte slave de Macédoine, ils auront des facilités pour leur enseigner une liturgie dans leur langue.
Mais en arrivant sur place, Cyrille se rend vite compte que les lettres grecques ou romaines sont insuffisantes pour reproduire tous les sons de cette langue si particulière.
Convaincu que que la foi s’appuie sur l’œuvre écrite, il décide alors d’inventer un alphabet qui lui permet de traduire une bonne partie de la bible et des textes liturgiques dans leur langue.
Et petit à petit les Églises qui utilisent le slavon se remplissent et les autres se vident.
La mission est couronnée de succès au grand dam des clercs germaniques qui régnaient en maîtres jusqu’ici et qui leur reprochent de brader les textes sacrés et d’y mettre des germes d’hérésies en utilisant une langue vulgaire.
A l’époque, seuls l’hébreu, le grec et le latin étaient les langues permises pour louer Dieu.
Mais le pape Hadrien soutient les deux frères et leur demande alors de rentrer à Rome.
Pluie de conversions
Sur le chemin du retour, Cyrille et Méthode continuent de prêcher la Bonne Nouvelle et, de Moravie en Italie, les conversions d’hommes et de femmes se multiplient, tandis que l’alphabet à peine inventé se répand en Pannonie, située à cheval sur les actuelles Autriche, Hongrie, Slovaquie, Slovénie, Croatie, Serbie et Bosnie-Herzégovine.
Ils profitent de ce succès pour demander en retour la libération d’un millier de prisonniers étrangers aux princes de Moravie et de Pannonie.
Ils rentrent également avec les reliques de saint Clément, pape et martyr du Ier siècle, dont ils ont retrouvé les restes, comme par enchantement — en pleine Mer Noire guidés par une forte odeur d’huile et d’encens — alors que l’ile sur laquelle était censée reposer son corps était engloutie depuis longtemps.
A Rome, une église lui a immédiatement été dédiée et ses reliques y ont été déposées dans la plus grande vénération.
Après Cyrille
Et puis Cyrille est tombé malade. Il est mort en 869. Et comme de juste, son corps a été enseveli dans la basilique Saint-Clément.
Comme son frère voulait, Méthode, après l’avoir servi avec dévotion durant la maladie, a continué d’être l’apôtre des slaves, en faisant fructifier son oeuvre évangélisatrice, sans se se soucier des détracteurs qui n’admettaient toujours pas sa liturgie et l’accusait d’hérésie. Ils réussirent d’ailleurs à le faire jeter en prison.
En 879-880, le pape Jean VIII, après avoir obtenu sa libération au bout de deux ans d’emprisonnement, le consacra évêque du royaume de Grande Moravie. Méthode est mort seize ans après son frère, en 885.
Des siècles après leur action, l’alphabet inventé par Cyrille est celui dont se servent encore aujourd’hui les Russes et d’autres peuples d’Europe de l’Est. Et ils sont vénérés comme apôtres des slaves.
Le pape Jean Paul II, en plus de les proclamer co-patrons de l’Europe, leur a consacré, en 1985, une encyclique, Slavorum Apostoli, à l´occasion du XIe centenaire de leur œuvre d’évangélisation. Œuvre qui reste source d’inspiration et d’action pour l’Église encore aujourd’hui.
L’alphabet cyrillique
C’est le troisième alphabet officiel de l’Union européenne.
Il fut créé par les frères Cyrille et Méthode, connus comme les Apôtres des Slaves.
Les deux frères sont d’origine bulgare (ils sont de la ville de Thessalonique, leur mère est bulgare).
Ils commencent leur activité en tant que missionnaires du christianisme et de la Byzance.
Pendant leur troisième mission, en Moravie, ils comprennent qu’il serait impossible de professer la foi en latin ou en grec devant un peuple qui n’y comprend rien.
C’est pour cette raison que Constantin-Cyrille dit le Philosophe crée la première variante de l’alphabet, nommée alphabet glagolitique, pour la traduction en langue slave d’une partie des livres liturgiques.
Il continue sa mission, aidé par son frère, afin de faire connaitre à l’élite intellectuel des pays slaves cet alphabet, ainsi que la grande importance de celui-ci en tant que première possibilité pour les slaves d’écrire avec des lettres qui sont adaptées à leur langue, de traduire les textes religieux et donc de les rendre compréhensibles au peuple et enfin de créer leurs propres textes, leur propre littérature en leur propre langue.
Donc la mission de Moravie devient le destin de Cyrille et Méthode.
Pendant leurs missions, Cyrille et Méthode ont formé des élèves qui les suivaient et travaillaient avec eux.
La professeure Elka Mirtchéva, de l’Institut de Langue bulgare auprès de l’Académie Bulgare des Sciences apporte les précisions suivantes (Source BNR Radio Bulgarie) :
« L’alphabet bulgare est un des fleurons de notre patrimoine dont nous sommes fiers à plus d’un titre. En tout premier lieu, il nous ramène à l’œuvre des Saints Frères Cyrille et Méthode et au fait qu’ils ont forgé un alphabet nouveau et inédit sur la base du dialecte qu’ils connaissaient le mieux. Les frères sont de Salonique, ville, qui, à l’époque comptait une nombreuse communauté slave et bulgare. Ces gens s’exprimaient dans un dialecte de cette région de l’Est, proche des parlers des Rhodopes. C’est lui qui leur sert de point de départ dans la création de ces nouveaux caractères. Leur immense mérite, à ce jour inégalé, est d’avoir réussi à rendre chaque son par une transcription graphique, traduisant l’essence, la nature spécifique de la langue bulgare. »
La Professeure Mirtchéva rappelle les propos du moine Khrabar, un écrivain bulgare de la fin du 9ème et du début du 10ème siècle, selon lequel pendant longtemps les Slaves se sont servi de traits et d’encoches pour graver leurs pensées, probablement des runes.
Par la suite ils se sont tournés vers les caractères latins et grecs.
Et le moine de s’interroger : « Comment peut-on transcrire avec les caractères grecs le mot « vie », le mot « étendue », ou encore « Dieu ».
La liste des exemples est longue, parce que le grec ne connaît pas certaines voyelles et consonnes, typiques pour le bulgare et certaines autres langues slaves.
Les mêmes difficultés apparaissent si l’on emploie les caractères latins.
De nos jours encore, bon nombre de langues slaves et autres langues européennes, se servent de caractères latins adaptés à rendre certains phonèmes.
Certains caractères latins existent sous deux ou trois transcriptions, afin de rendre des sons différents.
L’alphabet « glagolitique » est lе premier alphabet vieux-bulgare et slave qui rendait le mieux les phonèmes slaves.
Notre apport bulgare dans ce sens est qu’il a été créé sur la base d’un parler bulgare – fait remarquer la Prof. Mirtchéva.
Souvent on entend dire, que Cyrille et Méthode ne sont pas les « pères » du glagolitique, le plus ancien alphabet slave, fait pour l’usage des Bulgares, mais créé pour les Slaves de Moravie, sur la demande du prince Rostislav. On va même plus loin jusqu’à affirmer que les deux frères n’ont jamais mis le pied en Bulgarie.
« Ces affirmations sont vraies, dans une grande mesure, mais accolées ainsi les unes aux autres dénient l’apport bulgare à l’apparition de l’écriture slave. Il est vrai que Cyrille et Méthode partent en missionnaires, investis d’une mission politique – poursuit Elka Mirtchéva – Politique et esprit étaient très étroitement liés à l’époque médiévale. Ils sont hommes de religion, mais politiques également, qui se rendent en Moravie avec un objectif bien précis. A cette époque, Constantinople et Rome s’affrontent au nom de la suprématie dans une Europe qui se tourne de plus en plus vers le christianisme. »
Le schisme de l’Eglise n’est pas encore accompli, mais la rivalité est bien visible.
Des Slaves de Moravie suivent la messe, servie par des prêtres allemands, qui officient en latin.
Or Constantinople est en avance, car là-bas on comprend bien que la parole divine doit être à la portée de tous – un avantage à porter sur le compte des politiques. Et Byzance consent, dans une certaine mesure, à laisser entrer les langues parlées dans l’âme et le cœur des millions des chrétiens à venir.
On peut dire que la mission de Moravie (863-885) de Cyrille et Méthode ne porte pas les fruits attendus et prend fin en 885, à la mort de Saint Méthode. (Saint Cyrille meurt en 869).
Leurs disciples sont chassés et atteignent les terres bulgares par divers chemins.
Trois d’entre eux – Clément, Naoum et Anguélariy – arrivent par voie d’eau – le Danube – et sont chaleureusement accueillis par le prince Boris, qui fait ses premiers pas dans la religion chrétienne, rappelle la Prof. Mirtchéva.
Ils reçoivent aide et assistance, devenue politique d’Etat, qui se traduit par le mérite exceptionnel d’avoir œuvré au rayonnement de l’alphabet, la culture et la littérature slave.
Avec le concours du prince Boris et de ses successeurs les tsars Siméon et Petar, le dialecte bulgare est promu langue littéraire.
Sans cette politique d’Etat, l’œuvre des frères Cyrille et Méthode aurait été réduite à l’échec de leur mission morave et n’aurait pas laissé des traces dans l’histoire.
Le mérite de la Bulgarie est d’avoir créé le cyrillique – un alphabet au graphisme simple et aisé, qui traduit le mieux les phonèmes slaves.
Le glagolitique avec ces caractères spéciaux, était étrange et inhabituel aussi bien pour l’Europe centrale que pour les pays sous influence byzantine.
Voilà comment on a opté finalement pour les 24 lettres empruntées à l’alphabet grec auxquelles, pour les besoins de l’alphabet cyrillique, on a rajouté 12 caractères pour transcrire les sons propres au slave.
Ces derniers, rappelons-le, nous viennent de l’alphabet glagolitique – dit en conclusion la Prof. Elka Mirtchéva.
Et pour en savoir plus sur la langue bulgare et apprendre les bases du Bulgare, rendez vous sur notre article Apprendre le Bulgare en suivant le lien.
L’hymne des Saints frères Cyrille et Méthode
En 1892 Stoyan Mihaïlovski écrivit le texte de l’hymne des écoles, bien connu de tous les Bulgares par son premier verset :
Vurvi narode vuzrodeni
En avant, peuple éveillé ! On lui a donné le titre de L’hymne aux Saints Cyrille et Méthode.
Il se compose de 14 couplets, dont les six premiers sont très souvent interprétés de nos jours.
Il s’agit du titre de l’hymne chanté le 24 mai par les élèves de toutes les écoles bulgares en Bulgarie et dans le monde.
Voici les paroles et l’hymne chanté le 24 mai Vurvi, narode vuzrodeni
Marche, peuple revivifié,
marche vers un avenir serein,
que par sa force qui t’est donnée
l’écriture renouvelle ton destin!
Marche vers la Connaissance toute puissante!
Marche, prends part à tous les combats,
que le devoir immuable te guide
et Dieu te bénira!
En avant! La science est un soleil
qui brille dans les coeurs!
En avant! Jamais ne tombe un peuple
tant que le savoir est en vigueur!
Tu étais ignorant et sans gloire!…
Maintenant, entre dans l’histoire,
par ton esprit subjugue les pays
que ton glaive a conquis!
Ainsi les deux frères de Salonique
ont exhorté nos aïeux…
O passé inoubliable, glorieux,
o, souvenirs sacrés!
La Bulgarie n’a point trahi
un testament si digne, illustre,
dans le triomphe ou la souffrance,
que d’exploits accomplis…
Années de gloire, années de peine
notre patrie a traversées,
mais jamais, au grand jamais
à son devoir elle n’a manqué.
Jadis les lettres par nous créées
ont fait le tour du monde;
puits de science éternel
auquel tous ont puisé.
Puis vint le temps de l’esclavage…
Le vaillant fils du Balkan
courbait l’échine sous le joug
du souverain ottoman…
Mais toujours le génie du peuple
a cherché en vous le salut,
hommes sages dont la voix
durant dix siècles s’est maintenue!
Un peuple entier vous avez arraché
aux abysses de la mort,
vous avez fait renaitre son génie
des profondeurs de l’obscurité;
Défenseurs de la vraie foi,
vous qui semez la justice et la paix,
apôtres à la gloire inégalée,
étoiles de la slavité,
soyez en tous temps bénis,
o frères Méthode et Cyrille,
tous les Bulgares sont vos fils,
créateurs de notre langue chérie!
Que l’amour de tout un peuple
veille toujours sur votre nom,
que demeure dans la mémoire des Slaves
de votre verbe la puissance in saecula saeculorum!
Traduit par :
Marie Vrinat-Nikolov
Maître de conférences habilitée en langue et littérature bulgares
INALCO
Traductrice littéraire